HAIE !

L’EQUIPE

Texte d’Olivier Veillon avec la collaboration de Leslie Carmine et Chloé Hollandre-Bouilloz
avec Leslie Carmine, en alternance avec Chloé Hollandre-Bouilloz

Production Miam Miam
Coproduction Les Scènes du Jura – Scène Nationale et AmStramGram – Genève, dans le cadre du dispositif Le théâtre c’est (dans ta) classe !
Diffusion le BEC – Bureau des Écritures Contemporaines (Claire Nollez et Romain Courault)
Administration Antoine Lenoble

Leslie Carmine

Depuis sa plus tendre enfance, Leslie Carmine ( ou Leslie Bouchou Carmine ) explore le plateau. Montant sur scène dès ses 7 ans dans le club de théâtre en banlieue parisienne où elle a grandi, elle décide de ne plus la quitter. Après s’être formée à la classe tremplin du cours Florent, elle réussi le concours d’entrée de l’ENSATT Lyon et intègre la promotion 82 en tant qu’actrice. En parallèle, elle co-fonde l’association « les callisto » pour protéger les victimes de discriminations et violences dans les écoles de théâtre.
En 2022, elle écrit son premier projet Disco Résilience ou comment nous avons séparé l’homme de l’artiste après sa rencontre avec Pauline Peyrade au Théâtre Nationale de Strasbourg . Explorant les sentiments en n’ayant jamais peur ni de l’intime ni du politique, elle puise son inspiration aussi bien dans les grandes tragédies que dans les chansons populaires ou le rap, donnant à toutes les cultures la même importance primordiale. Forte de sa formation à Rabat à l’École Nationale du Cirque du Maroc – Shems’y dans le cadre d’un échange international, elle allie la pensée et le physique pour s’emparer pleinement de la scène.
Elle joue dans les enchantements de Clémence Attar ou encore le livre de la boue, une performance qui joue dans les musées d’art contemporain, de Ali Cherri. En 2024 elle monte son seule-en-scène Antigone n’existe pas, en réécrivant en live la fiche Wikipédia d’Antigone.

Chloé Hollandre-Bouilloz

C’est au collège que Chloé découvre le théâtre en interprétant Mercutio de Roméo et Juliette en cours de français. Ce soir là elle est rentrée chez elle et s’est exclamé : « je serais comédienne! »
Elle commence son parcours avec la traditionnelle troupe du lycée, qu’elle cumule à des cours de chant. Au moment des études supérieures elle couple sa licence d’art du spectacle à deux formations privées. Elle fini par arriver à son rêve ultime de l’époque : rentrer à l’Ecole Supérieure d’Art Dramatique de Paris (ESAD). Elle en sort diplômée en 2023. Son spectacle de sortie, « Nora, Nora, Nora, de l’influence des épouses sur les chef d’œuvre », mis en scène par Elsa Granat, tourne d’abord au Théâtre de la Tempête puis en France métropolitaine.
Depuis sa sortie d’école elle se passionne pour les formes théâtrales sortant des boîtes noires pour retrouver le plein air, l’un-situ. Elle participe aux 27e rencontres internationales de théâtre en Corse. Elle interprète Frère Laurent dans Roméo et Juliette sous la direction de Martial Jacques et boucle ainsi son histoire d’amour Shakespearienne.
Également drag king, elle se produit sur les scènes parisienne, lyonnaises et limougeaudes. Elle y creuse le rapport aux espaces queer et festif en campagne et en ville ainsi que le jeu sur les caractéristiques du genre.

Olivier Veillon

Olivier Veillon est né à Cholet, la capitale du mouchoir, en 1982. En 2007 il sort de l’ERAC avec un beau diplôme et une belle bande de camarades, auprès desquels il commettra d’innombrables spectacles : Baptiste Amann, Solal Bouloudnine, Victor Lenoble et Lyn Thibault.
Il travaille par ailleurs comme acteur pour d’autres metteurs en scène : Alexandra Tobelaim, Jean- Pierre Vincent, Bertrand Bossard…
Il mène également ses propres projets comme auteur et metteur en scène : Bones puis Clap, avec les suédois d’Institutet et les allemands d’Objective : Spectacle, Manoueuvres in the dark et L’horizon des événements, avec le scénographe Hervé Coqueret et le CFPTS au T2G.
Depuis 2020, il est associé au projet d’Alexandra Tobelaim au NEST – CDN de Thionville, où il coordonne notamment un marché saisonnier de producteurs.ices et cuisiniers.ières. Il co-écrit et co-met en scène avec Maxime Mikolajczak La fin du début (Seras-tu là ?) en 2021, solo de Solal Bouloudnine et Plusieurs, en 2023, duo de Bertrand Bossard et son cheval, Akira.
En 2023 il crée à Dijon la compagnie Miam Miam avec Solal Bouloudnine et Maxime Mikolajczak.
En 2024, il met en scène On ne jouait pas à la pétanque au ghetto de Varsovie de et par Eric Feldman. Il prépare pour 2026 Pas de souci (duo de Solal et Maxime, qu’il met en scène) et La nuit des temps, solo qu’il écrit et interprète, et Haie ! spectacle à destination des adolescents, qu’il écrit et met en scène.
Il est également artiste associé au TDB – CDN de Dijon et aux Scènes du Jura – Scène Nationale (2027-2028).
Il vit depuis 2010 dans la forêt bourguignonne dont l’opulence le comble, quand le temps le permet, de joies mycologiques variées.

Le déclenchement / Le théâtre c’est (dans ta) classe !

Dans le cadre de mon partenariat avec les Scènes du Jura en tant qu’artiste associé, il m’a été proposé de concevoir un projet s’inscrivant dans un dispositif à l’œuvre depuis une dizaine d’année entre les Scènes du Jura et AmStramGram à Genève. Il s’agit de Le théâtre c’est (dans ta) classe ! La formule est simple : un solo avec une double distribution de 30 minutes, suivi de 25 minutes d’échange, joué dans les salles de classe.

La double distribution permet de jouer quatre représentations par établissement dans la journée. Le temps d’échange, accompagné par des médiateurices du théâtre, le ou la metteur.e en scène et l’enseignant.e permet d’approfondir le sujet abordé dans le spectacle.

Dans le cadre de la commande, le spectacle est à destination des 4ème et 3ème, mais dans le cas de Haie !, on peut ouvrir jusqu’à la Terminale, dans la filière générale, ainsi qu’aux filières
professionnelles et notamment agricoles.

Le sujet : le remembrement.

Dans le cadre de mon travail autour d’un autre spectacle, La nuit des temps, ainsi que dans ma pratique personnelle du jardinage, mon amour de la campagne et mes amitiés avec des agriculteurices, j’ai été sensibilisé très tôt à l’histoire de nos paysages, de notre agriculture, et notamment à un épisode très méconnu de cette histoire : le remembrement.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les ingénieurs agronomes de Vichy ont conçu un plan national de reconfiguration des zones agricoles, avec dans l’idée de s’aligner sur le modèle allemand, lui-même inspiré du modèle américain : de vastes étendues de monocultures
mécanisées.

Jusqu’alors, en France, le paysage agricole était composé d’une multitude de parcelles enchevêtrées, travaillées depuis des siècles selon un modèle de polyculture-élevage. Chacune de ces parcelles étaient séparées par des haies, des talus, des chemins creux, des bois : le bocage.

Dans les années 40-50, le gouvernement de De Gaulle a engagé ces mêmes ingénieurs-agronomes qui avaient conçu le plan national sous Pétain, pour appliquer le projet. On a appelé ça le remembrement. Ont suivi quatre décennies de réaménagement du territoire, dont les premières furent les plus violentes, où on a imposé aux paysan.nes, souvent à leur corps et à leurs cœurs défendant, la destruction du bocage, l’arasement des terrains, le regroupement des parcelles, expropriant, spoliant, dictant. Les populations rurales révoltées ont découvert l’action des CRS, les suicides se sont multipliés, les vaincus ont laissé places aux vainqueurs, les guerres fratricides se sont nouées entre les familles, parfois au sein des familles.

Cette action fut accompagnée, avec le plan Marshall, de l’arrivée des tracteurs et de nouvelles variétés de semences, dont la culture n’était possible que jointes à l’action des produits « phytosanitaires », les produits en cide (herbicides, fongicides, pesticides), et engrais de synthèse. La guerre était terminée, il fallait recycler les stocks d’armes chimiques : leur reconversion était toute trouvée.

Le remembrement raconte en creux une histoire infiniment politique, traumatique et oubliée de nos paysages. Il m’a semblé qu’à travers le récit de ce morceau de 20ème siècle, l’occasion nous est donnée de donner des clés de compréhension de maints débats qui nous animent aujourd’hui et d’ouvrir une fenêtre sur un avenir plus désirable, grâce au récit de notre personnage, qui nourrit le projet de reconstituer le bocage.

Dramaturgie : un récit, une fiction.

En 2021, des étudiants diplômés d’AgroParisTech (école supérieure d’ingénieurs agronomes) créaient l’événement lors de leur cérémonie de remise des diplômes, en livrant un discours collectif de haute tenue. Ils et elles racontaient qu’ils refusaient la carrière qui a été dessinée pour elles et eux, carrière à leur yeux productrice de désastres environnementaux, et préfèrent bifurquer vers des modèles soutenables et vertueux de pratique agricole.

Ce précédent si inspirant m’a guidé lorsqu’il s’est agi d’imaginer le récit du personnage de Leslie (ou Chloé, l’actrice interprétant le texte conservant son prénom. Je garderai Leslie dans ces lignes pour simplifier la lecture).

Haie ! est le récit d’un parcours initiatique: une jeune femme bercée de rêves de richesse et d’opulence consumériste réalise par un épisode traumatique que la catastrophe écologique en cours ne peut pas rester sans réponse. Nourrie du récit des anciens, elle va s’engager dans la réhabilitation du patrimoine végétal des campagnes. Une façon, par la fiction, de contrer le récit réactionnaire auquel la jeunesse est si dangereusement exposée.

Résumé

Leslie débarque dans la salle de classe. Elle a 25 ans, nous raconte qu’elle veut passer son diplôme de technicienne bocage, un métier qui aide les agriculteurices à replanter des haies. Seulement pour passer ce diplôme, elle doit avoir son Brevet des collèges, mais le serveur de l’Éducation Nationale a été piraté par les Russes et tous les Brevets passés en 2015 ont disparu. Elle doit donc le repasser, et comme elle connaît le.la prof – qui est l’oncle/la tante d’une amie, ce.tte dernier.ère lui propose de présenter un exposé de 30 minutes sur son projet professionnel. Si la classe valide, il.elle lui donnera son Brevet. C’est donc ce qu’elle est venue faire.

Leslie à grandi à la campagne, avec ses parents paysans. A l’adolescence, elle a conçu le rêve de partir loin d’ici pour faire « de la thune » et pouvoir vivre à l’inverse de ses parents. Pour lui payer ses études, ces derniers ont dû vendre un petit bois où elle passait ses journées, petite, perchée dans une cabane en haut d’un grand chêne.

Partie à l’internat, bonne élève, elle finit par intégrer HEC, et un stage de dernière année va la mener à Dubaï, où elle travaille pour une boîte qui vend des yachts. Elle est amenée à défendre un yacht « Label Vert », chose qui commence à lui paraître un peu absurde. A la fin de son cursus, de retour au pays, elle repasse un été dans la ferme de ses parents et réalise que son petit bois d’enfance a été vendu à un voisin qui l’a rasé pour étendre son champ de maïs. C’est un déclic. A partir de là, Leslie va complètement changer d’optique. Elle va commencer par se renseigner auprès de sa grand-mère, Suzette, qui va lui expliquer comment étaient les paysages de son enfance et va lui raconter, donc, non sans émotion, le remembrement. Cette discussion avec Suzette déclenche en elle une soif irrésistible d’en apprendre plus, et elle va nous faire part de ses découvertes autour de l’importance capitale des haies dans les campagnes, en s’appuyant notamment sur l’exemple du Petit Fer à Cheval, autrement appelé Rhinolophe, petite chauve-souris auxiliaire de culture qui sans haie n’a que peu d’espérance de vie.

Le mode de jeu.

Pour ce spectacle, j’ai choisi deux jeunes comédiennes (très talentueuses, évidemment !) qui ont un profil plutôt urbain, du moins dans leur phrasé. J’ai proposé un texte structuré, que nous avons retravaillé ensemble, afin que le vocabulaire, les tournures, les idiomes, soient plus proches de la jeunesse de notre public. Il m’a paru assez édifiant, lors du recrutement de ces jeunes artistes, que le contrepoint de ce phrasé urbain rend le discours infiniment plus percutant.

Nous travaillons sans accessoires, sans décor et sans lumières autres que ceux de la salle de classe, sans musique. Toute la pièce repose sur le récit, dans une adresse très directe qui parfois peut évoquer le stand-up. L’humour y est essentiel, un soupçon d’effronterie affleure.

Après avoir développé cette dramaturgie du récit intime et de l’autofiction dans mes spectacles précédents (La fin du début, Plusieurs, La nuit des temps, On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto de Varsovie), j’ai voulu conserver cette forme, celle du récit intime, en l’appliquant à une fiction inventée de toute pièce, même si des éléments de réel s’y nichent. L’idée étant, et comme à chaque fois le principe se vérifie, que la petite histoire parle de la grande.

L’intervention de la grand-mère, Suzette, renvoie à un principe développé de manière plu complexe dans La nuit des temps : celui de donner la parole aux anciens. Étant moi-même né en 82 de parents nés en 32 et 36, je suis très sensible au connexions intergénérationnelles et aux révélations fulgurantes que peuvent déclencher l’accès, par l’intime, à des histoires lointaines.

La médiation.

Le spectacle se termine avec un quizz proposé par la comédienne, à partir d’un herbier de feuilles d’arbres de haies : chêne, érable champêtre, noisetier, noyer, vigne, ronce, églantier, clématite, prunelier… C’est la transition vers la médiation, qui peut être axée sur différentes choses : l’environnement, bien sûr, l’agriculture, l’élevage, mais aussi l’histoire, la politique, le commerce international, le théâtre…

Les comédiennes sont rompues a cet exercice de médiation, et il est fourni au personnel enseignant un dossier pédagogique proposant différents axes de lecture et impliquant différentes matières : la géographie, l’histoire, la SVT, l’économie, le français, la chimie… Il est ainsi possible que les enseignant.es s’emparent de l’un ou l’autre des sujets pour préparer ou prolonger la réflexion en cours.

Le binôme Haie ! et Nuit des temps.

Ce spectacle, La nuit des temps, est sans doute le travail le plus conséquent que j’ai pu mener autour des questions de paysannerie et de paysage. Un dossier complet est accessible ici, mais je dois dire dans ces lignes que les deux spectacles peuvent très bien fonctionner ensemble.